La ruche, la locomotive et la perceuse : pratiques collaboratives

La conférence annuelle de la chaire développement durable de Sciences Po consacrait hier sa journée aux pratiques collaboratives. Un amphi rempli, malgré la concurrence redoutable du World Forum de Lille sur la même journée. 3 tables rondes, en commençant par l’alimentaire. Des postures des 4 structures représentées par les intervenants sensiblement différentes : INRA, La Ruche qui dit Oui, Artisans du Monde et Sofiproteol. Où l’on apprend que 42% des citoyens se seraient intéressés aux circuits courts mais Yuna CHIFFOLEAU conserve des craintes que la mise en place de ces nouveaux circuits débouchent sur un certain élitisme, voire une nouvelle forme de domination. Guilhem CHERON développe la production locale en s’appuyant sur des responsables de ruches : 3.500 demandes pour 350 ouvertures effectivement réalisées, que ce soit en centre ville, urbain ou péri urbain. Pour lui la biodiversité des structures économiques est aussi importante et la Ruche qui dit Oui fait partie des modèles originaux. Avec Artisans du Monde, Gérald GODREUIL se bat depuis plus de 20 ans pour offrir des débouchés aux artisans, les former aux mécanismes du commerce international. Il se réjouit que la nouvelle loi ESS (n’oubliez pas de jeter un œil sur diagESS.net!) ouvre la porte au commerce équitable local et plus seulement nord/sud. Jean Philippe PUIG nous présente les actions de SOFIPROTEOL pour développer l’innovation dans la filière des oléagineux, du nouveau centre rassemblant 250 chercheurs qui resteront propriétaires des fruits de leurs travaux. Des échanges très riches difficiles à résumer. Peut être manquait-il à la table des représentants des agriculteurs ?La seconde table ronde portait sur l’accès aux biens matériels. Dominique ROUX regrette que les études soient pour le moment trop « cylindrées », souhaiterait qu’elles prennent le temps de s’intéresser à l’individu dans sa globalité, s’insurge contre les biais des études purement déclaratives. Marion CARRETTE apporte plein d’énergie avec zilok et ses 250.000 membres devenus adeptes de la location d’objets entre particuliers. Comme Flore BERLINGEN qui nous présente la dynamique OuiShare qui s’intéresse à toutes les formes de partages : location, prêt, vente d’occasion, troc, mutualisation, revente + don… Eric VIDALENC nous rappelle l’importance de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie, en particulier pour les voitures dont 80% de l’impact est dû à l’usage et pas à la fabrication. Les échanges de la troisième table ronde sur la mobilité très denses aussi. D’autant plus que certains intervenants projettent plusieurs slides avec de beaux schémas qui auraient demandé bien plus d’explications ! Paulin DEMENTHON satisfait que drivy enregistre 100 nouvelles voitures par jour, avec 40% des clients qui n’avaient jamais loué avant. Eric LEMERLE rappelle que sur Paris 40% des voitures qui roulent sont en train de chercher une place pour se garer. Dans les pays de l’OCDE le taux d’équipement en automobile a déjà commencé à baisser et RENAULT réfléchit à la façon de faciliter, dès la conception, le partage du véhicule. Jean Louis JOURDAN s’élève contre le dernier rapport de la cour des comptes un peu trop critique à l’égard de la SNCF, souligne l’impossibilité de stopper une ligne TGV juste parce qu’elle ne serait pas suffisamment rentable. Gabriel PLASSAT juge la mobilité servicielle incontournable pour atteindre le fameux facteur4, décrit comment les grands groupes trop lourds innovent en s’associant à des starts up plus agiles. Résumé « socio » un peu provocateur des échanges : c’est quand on devient parents que l’on achète sa première voiture, mais c’est aux familles recomposées que le TGV doit en partie son succès…

En conclusion Corinne LEPAGE vient nous rappeler que, heureusement, la base, les citoyens se mettent en mouvement, puisque le niveau politique n’a plus guère les moyens de bouger. Elle milite pour une nouvelle façon de faire de la politique, consistant à ne plus avoir raison à tout prix mais prendre le temps d’écouter, de trouver des compromis et d’aboutir au meilleur (ou moins mauvais…) texte possible. Une réflexion reste à mener pour contrer les dangers des lobbies qui disposent de milliards d’euros pour défendre des positions pas toujours compatibles avec l’intérêt général. Les consommateurs, cette base dynamique présentée tout au long de la journée, font sans doute partie de la solution…

La carte d’idées des notes prises pendant cette journée est à disposition de ceux qui le souhaitent. Car il était difficile de tout résumer dans ce billet…