Encore un article (sur papier…) pour parler de la révolution du numérique, de l’arrivée des autres supports dans les salles de rédaction. Dans son article du 14 février Pascale Santy prend le temps de citer les outils permettant de créer une information pouvant être utilisée sur plusieurs supports : méthode de eidosmédia, millenium cross média de protec software.
Je suis persuadé que ces évolutions sont inéluctables et que les produits basés sur des formats XML peuvent effectivement permettre de travailler sur du fond qui sera mis en forme de différentes manières, sur différents supports.
Par contre je suis inquiet que l’on parle aussi peu des changements de méthodes de travail, voire de posture par rapport à l’information brute, que cela devrait entraîner dans les cerveaux de l’ensemble des acteurs concernés : journalistes, pigistes, rédacteurs en chef, secrétaires de rédaction… ils seront chargés de faire quoi demain exactement dans le nouveau système ?
Deux exemples pour souligner le chemin à parcourir.
– 2006. journée portes ouvertes au journal Le Monde. Une bonne occasion de visiter les bureaux, les salles de rédaction. On arrive dans une pièce avec une table impressionnante, de très belles photos aux murs. On a même le droit de visionner une vidéo pour voir comment cela se passe quand le journal se prépare, comment se décide le choix du contenu. Plein de gens sérieux assis autour de la table, muni chacun d’un petit cahier et de quelques feuilles. Pas un seul micro portable sur la table. Comment notre groupe a la chance d’avoir une guide très sympathique je pose la question « comment se fait-il que les participants à la réunion n’aient que des cahiers ? alors que nous venons de traverser la salle où toutes les informations se préparent sur micro ordinateurs ? pourquoi les participants ne peuvent ils pas projeter les projets d’articles pour mieux se comprendre ? » Réponse évasive, mais en gros les décideurs ont sur leur cahier toutes les notes nécessaires. Il me semble que l’on est encore très très loin du tout XML… Vous avez déjà vu une réunion de comité de direction se tenir dans un multinationale ou une grande société sans qu’il y ait quelques micros sur la table ? Merci de considérer cette constatation comme une surprise plus qu’une critique : je continue à lire Le Monde tous les jours sur papier. Mais la mutation, nécessaire compte tenu du contexte, risque d’être douloureuse…
– 2007. un parallèle avec le dilemme du logiciel libre contre le tout microsoft. Savez vous pourquoi la suite microsoft office arrive à résister face à l’invasion du libre ? En gros parce que même si les interfaces de travail sont très proches, et les fonctionnalités des logiciels pratiquement équivalentes, le coût de la formation et du changement d’habitude sur les postes de travail est évalué à quelques centaines d’euros par poste de travail. Donc les DSI ont le choix entre mettre quelques centaines d’euros dans la nouvelle suite microsoft ou installer une suite gratuite mais dépenser des montants presque équivalent (une dernière estimation portait sur 200 euros accompagnement open office contre 400-500 pour microsoft, selon les versions). Si les coûts de formation sur des logiciels pratiquement équivalents font hésiter les DSI, comment réagir face à la révolution consistant à préparer une information visant un usage multisupport ! Les éditeurs de presse s’inquiètent de ne pas avoir de finances assez solides pour investir dans ces nouveaux systèmes informatiques, mais ils devraient aussi s’interroger sur les coûts cachés, la formation, l’adaptation des pratiques de chacun collaborateur.
A titre personnel, je reste d’ailleurs assez sceptique sur l’aspect réellement multisupport d’un même fond dans le cas d’un quotidien d’information. Cela marche très bien pour certains types d’informations (par exemple le vidal qui gère toutes les informations sur les médicaments, posologies… y est passé depuis longtemps. C’est aussi très bien adapté aux documentations techniques complexes). Par contre pour les sujets d’actualité, les articles de fonds, j’ai de gros doutes sur le fait que la même granularité de l’information puisse être utilisée sur le papier, sur internet et sur un téléphone portable. On voit bien d’ailleurs que aucun opérateur télécom ne s’amuse à mettre en ligne des longs métrages sur ses abonnées. Leur stratégie consiste plutôt à préparer des programmes spécifiques, plus courts, formatés pour être visionnés sur un petit écran, dans le métro ou les embouteillages. Les mêmes adaptations devraient s’avérer nécessaires pour les contenus textes. Je doute fort qu’il suffise d’appliquer une nouvelle feuille de style à un contenu restant exactement le même. Les journalistes devront donc apprendre à travailler sur un fond et à en préparer plusieurs versions avec des mailles différentes selon les usages prévus. Je ne suis pas certain que beaucoup de formations existent pour cela.
One Comment
HACHIM Karim
bonjour.
Je suis très intéressé par ce post. Je suis étudiant en dernière année de journalisme et je m’intéresse pour mon mémoire aux mutations du métier de journaliste entraînées par internet (changement dans les pratiques et dans les modes de diffusions).
On pourrait en discuter?
A plus
Karim