Il n’y a pas qu’en France que l’on s’inquiète de qui peut venir bouleverser la donne dans des élections présidentielles. Pour le parlement européen, le contrat paraissait à peu prés clair pour que les deux parties majoritaires se partagent le pouvoir en se passant comme prévu le bâton de Président du Parlement.
Mais d’autres voix ont décidé de s’élever. Globalement cela me semble être plutôt une bonne chose pour faire bouger cette institution. C’est un peu plus décevant quand on regarde les positions prises par les outsiders. Certains évoquent le fait d’introduire plus de démocratie dans la gouvernance. Avec sa campagne « fair chair » Jens-Peter BONDE veut pousser vers une vraie contestation démocratique du siège de Président mais son étiquette eurosceptique me laisse comment dirais-je…. sceptique. Le sujet qui revient le plus souvent reste le siège unique et la suppression possible des nombreux déplacements entre Bruxelles et Strasbourg. Comme LE MONDE du 12 janvier le souligne, ces déplacements sont coûteux pour les personnes mais aussi pour les tonnes de papier qui les accompagnent !
Cela me donne envie de remplir bien grand mes poumons d’air (parisien) pour pousser très fort un cri à l’attention des quatres candidats outsiders : DETRUISEZ VOS PAPIERS.
Bien entendu je ne vise pas les papiers d’identités ou passeports (il parait que c’est si pratique et que ça ouvre tellement de portes un passeport européen….) mais les tonnes de papiers en grande partie inutile. Lequel des candidats aura le courage de proposer une remise en cause en profondeur des habitudes et règles de travail des députés et assistants ? Car la chasse au papier n’est que la partie visible de l’iceberg. Le vrai débat n’est pas le lieu unique de travail du Parlement mais bien la façon dont les députés travaillent ensemble et dégagent des consensus. De multiples raisons, dans des registres très différents, me mettent mal à l’aise avec cette idée de travail supporté essentiellement par le papier.
1. Où est l’agenda 21 du PE ? Comment des gens sérieux, tenant entre leurs mains le destin de notre continent peuvent-ils continuer à attacher autant d’importance au support papier, au point d’avoir besoin de faire suivre des tonnes de malles d’un lieu de réunion à l’autre ! Bonjour l’empreinte écologique ! Ouf, on échappe quand même au transfert par avion, tout se passe entre semi remorques. J’espère au moins que la candidate verte, l’italienne Monica FRASSONI prendra le temps d’évoquer le papier par le biais du développement durable et les nombreuses possibilités de limiter son volume, d’améliorer son recyclage.
2. D’autres pistes existent. D’autres organisations, confrontées à des contextes comparables, sont en train de les explorer. Les entreprises, en particulier celles ayant atteint un stade certain de mondialisation, sont confrontées au même genre de problème que le parlement européen : faire travailler ensemble des milliers de responsables dans plusieurs langues. Celles que nous avons la chance d’accompagner ont bien compris l’intérêt d’Internet et des Nouvelles Technologies : permettre aux responsables de travailler ensemble à distance, à la fois dans l’ESPACE et dans le TEMPS. En règle générale elles se lancent dans ces révolutions parce qu’elles n’ont pas le choix si elles veulent continuer à concevoir et vendre des produits rentables. Le PE ne dispose hélas pas de ce genre d’aiguillon. Si quelqu’un, quelque part, est en train de mener ce genre de réflexion au sein du PE, qu’il me rassure en réagissant à ce billet !
3. Un sentiment plus personnel me gêne en pensant à ces papiers enfermés dans des malles étanches, « véhiculés » d’un lieu à l’autre dans des camions. Un peu comme les députés européens, mais surtout comme la plupart des consultants, je passe pas mal d’heures dans le train pour me déplacer vers mes clients. Depuis de nombreuses années j’ai constaté que c’est à ces moments là que j’ai le plus de facilité pour me concentrer sur un dossier : le téléphone est coupé, pas de risque qu’un collaborateur vienne me distraire en rentrant dans mon bureau. Et c’est justement à ces moments là, ces instants de sérénité qui deviennent bien rares, que j’ai besoin de l’ensemble des informations pour travailler sur mon dossier. Alors si je ferme les yeux et que j’imagine que je suis assis seul dans le train et que mes dossiers suivent enfermés dans un camion qui ne me rejoindra que dans quelques heures, je me sens bien mal à l’aise ! Sensation aussi désagréable qu’aller à la piscine en oubliant son maillot ou claquer la porte de son appartement en laissant les clés à l’intérieur.
4. Notre PE court un risque énorme. Messieurs les terroristes d’Al Qaida, fermez immédiatement votre navigateur et ne lisez pas les lignes qui suivent. Si il est vraiment nécessaire de déplacer autant de papier d’un lieu à l’autre, alors cela signifie que le PE ne peut pas travailler sans disposer de la totalité des papiers existant en un seul exemplaire sur un seul site à la fois. Cela veut-il dire que si le site abritant tous ces dossiers disparaissait brutalement, l’incendie du Crédit Lyonnais ressemblerait à un pétard du 14 Juillet ? Je sens en tout cas mon intime conviction se renforcer : le problème n’est pas de choisir entre 2 ou 1 seul site de travail mais au contraire d’être capable de se remettre à travailler n’importe où, le plus rapidement possible, en accédant à l’ensemble des informations nécessaires. Heureusement, je m’inquiète sans doute pour rien : ces papiers ne doivent pas être si importants que cela puisqu’ils sont transférés dans des camions classiques, même pas blindés.
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Ethique et TIC. » Blog Archive » Bruxelles et les mails des journalistes
[…] D’un point de vue éthique. La question n’est pas simple à trancher. Comme d’ailleurs pratiquement toujours quand il s’agit d’éthique. Les 2 points de vue peuvent se comprendre. M F Gabriel résume bien le problème quand elle explique qu’elle veut voir publiées ses lettres en tant que présidente de l’association des journalistes du parlement européen mais pas celles émises en tant que journaliste . . . Notons au passage la complexité particulière du cas traité par l’article. Ok pour publier les lettres des lobby. Ok pour ne pas publier les questions des journalistes. Mais comme la demande en question est émise par un journaliste, mais porte en même temps sur la question des lobbying ??? on fait quoi ?? Je me garderais bien de trancher. Même si le principe de publication systèmatique me semble un peu déplacé, et difficile à exercer à 100% (voir ma remarque dans le paragraphe précédent…). Mais comme je le faisais remarquer dans le billet parlant des déplacements de malles de dossiers entre bruxelles et strasbourg , un éclairage par la partie TIC peut amener à voir les choses autrement. […]