Plusieurs journaux parlent du « sondage délibératif » expérimenté pour la première fois par le parlement européen assisté de TNS SOFRES. A priori le concept a l’air intéressant mais je reste perplexe devant la façon dont les résultats sont présentés.

En gros le principe est : on sonde, on explique et on discute, on resonde. Et Oh ! Miracle ! Les opinions varient entre les 2 sondages, avant et après le débat ! Même sur le site web dédié au projet , ce que l’on apprend avant tout c’est que l’avis des 400 personnes interrogées a évolué. Bon… On a un peu l’impression que c’est la première fois que TNS teste ce genre de procédé et qu’ils sont surpris par ces évolutions de l’opinion. En tout cas ils ont un bon(ne) attaché(e) de presse car nombre de quotidiens ont repris exactement les mêmes termes, s’émerveillant sur le fait que cela sert à quelque chose de débattre.

Au passage signalons que ça peut être dangereux, pour un institut de sondage, de mettre en avant le fait que le même sondage ne donne plus les mêmes résultats si on prend le temps d’expliquer aux gens de quoi on parle !

Le pire reste que, même après débat, l’avenir n’est pas clair. On pourrait rêver que les échanges permettent de dégager un vrai consensus, de comprendre vers où l’Europe doit aller. Hélas il n’en est rien, avant comme après, la plupart des avis sont si peu tranchés que je ne vois pas en quoi ils vont clarifier la gouvernance européenne. Exemple l’opposition au recul de l’âge de la retraite passe de 66% (avant débat) à 42% (après débat). L’élargissement de l’Europe va compliquer les processus de décision passe de 51,7% à 62,2%. Pour faire simple, quelle que soit la décision, forcèment blanche ou noire (on recule l’âge ou pas, on élargit ou pas…) il y aura environ 40% de mécontents.

Ces variations d’un avis peu tranché vers un avis guère plus tranché sont sans doute en partie provoquées par l’échelle utilisée pour enregistrer les réponses aux questions : une note de 0 à 10. Pourquoi une échelle si fine ? Personnellement j’aurais beaucoup de mal à répondre en utilisant une telle échelle. Monsieur de Regnier avait mis au point une échelle à 5 niveaux + 2 qui semblait largement suffisante pour faire part de son opinion.

Au-delà des chiffres présentés dans les articles, une recherche sur le web permet de comprendre que les pères du Deliberative Polling® (Professor James S. Fishkin en collaboration avec Robert C. Luskin) pensent que la méthode permet de mesurer la variation d’opinion que l’on peut obtenir si les gens sont correctement informés sur le sujet abordé. Diable . . . Ce n’est pas demain que je vais proposer cela à mes clients.

C’est dommage que l’on n’ait pas une mesure en double aveugle, comme pour valider l’efficacité des médicaments dans l’industrie pharmaceutique. Il semblerait qu’en plus des 400 personnes ayant participé aux débats, 3188 autres ont été sondées sur les mêmes questions. Es-ce qu’elles ont aussi été interrogées après le débat de leurs collègues ? Cela serait intéressant de voir si les variations d’opinions étaient moins importantes . . .